Jusqu'au bout. Vieillir et résister dans le monde ouvrier : Le livre de Nicolas Renahy

Aujourd’hui je vais évoquer Jusqu'au bout essai sociologique de Nicolas Renahy sous-titré Vieillir et résister dans le monde ouvrier. Il est notamment l’auteur Des gars du coin sur la jeunesse rurale. Avec sa nouvelle enquête le sociologue met ses pas dans les traces de Michel Pialoux et Stéphane Beaud, ses aînés qui ont longtemps travaillé auprès des ouvriers de Peugeot dans l’est de la France. Jusqu'au bout est une immersion auprès de : « Bruno, Christian, Clairette, Christiane, Viviane et les autres « ancien.nes de Peugeot » que j’ai rencontré.es dans le Pays de Montbéliard entre 2019 et 2024 sont retraité.es depuis une dizaine d’années. » Christian Corouge est l’informateur principal, ouvrier familier des théories sociologiques qui ouvre les portes des domiciles à Nicolas Renahy qui cherche à comprendre ce que deviennent après la retraite ces ouvriers du secteur automobile. Tout au long du récit une certaine douceur bienveillante est ressentie. Nombre des interviewés ont été des syndicalistes actifs, en particulier à la CGT, et il est intéressant de voir comment cette carrière de militant laisse une empreinte après la vie professionnelle. Ce qui frappe c’est la grande solidarité qui existe entre les retraités, notamment lorsque certains des protagonistes traverses des moments difficiles (maladie, veuvage). Ils se rencontrent régulièrement en particulier lors des apéritifs organisés chez certains pour briser la solitude. Ils évoquent fréquemment leurs souvenirs comme par exemple : « la grève victorieuse de 1989 (qui) les a rapprochés et les épreuves subies depuis la retraite ont créé cette soudure susceptible de produire des étincelles affectives entre les personnes. » Enquêter sur le monde ouvrier (poursuivre les travaux pionniers de Pialoux) c’est interroger les rapports de classe, la domination patronale, les combats et les luttes pour l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations. Lors de l’enquête la réforme du gouvernement sur les retraites est au cœur de l’actualité et le sociologue constate la mobilisation des retraités mais également la marque du labeur d’une vie sur leurs corps ouvriers. Il ne focalise pas tout son travail sur le monde professionnel, il regarde aussi du côté des loisirs et des pratiques (en particulier le ramassage du bois en forêt pour le chauffage). Il explique que : « les affouages et la bricole, comme autrefois la pinaille, renvoient à un univers populaire où le rapport à soi-même est marqué par un usage instrumental du corps : outil pour fabriquer, façonner, auquel on consacre moins d’égards que dans les milieux favorisés, celui-ci doit pouvoir répondre présent lorsqu’on le sollicite. » Le sociologue interroge aussi le racisme et l’évolution du vote ouvrier qui désormais se tourne fréquemment vers le RN. Une rencontre avec un ancien ouvrier algérien retraité est significative et instructive. En conclusion l’auteur affirme que : « contrairement à ce que l’on peut observer dans les classes dominantes, dans le monde ouvrier personne ne cache son vieillissement. On ne cherche pas à montrer qu’on est toujours apte à continuer à travailler après l’âge de ma retraite et l’on n’affirme pas à tout prix son autonomie individuelle, ne serait-ce que parce qu’on connaît les risques de l’isolement. » Jusqu'au bout offre une perspective originale sur le milieu ouvrier par le prisme de ceux qui ont terminé leur activité professionnelle (départ à la retraite) mais qui restent à jamais marqués et influencés par leur carrière, leur investissement syndical et leur vécu collectif. Voilà, je vous ai donc parlé de Jusqu'au bout de Nicolas Renahy paru aux éditions La Découverte.