La Chartreuse de Naples : Le livre de François de Bernard

C'est toujours la même chose ! On ne voit que l'oeuvre finale et le génie de celui qui l'a créée. Mais quid des petites mains, qui des ouvriers de l'ombre ? Qui écouterait un pinceau quand un tableau de maître prend la parole ? Et pourtant, nous aussi nous aurions bien des choses à raconter sur nos maîtres. Nous aussi nous pourrions faire frissonner à l'évocation de nos caresses sur les toiles délicates. Nous aussi nous pourrions décrire le foisonnement les camaïeux enfantés des mariages de pigments délicats… Hélas, nous sommes quantités négligeables, consommés et jetés après usage. Nous sommes ainsi condamnés aux limbes de la création artistiques, prolongements temporaires de la main des maîtres. Alors que lui, le Sposalizio, a l'éternité devant lui. Et l'étourdissante beauté qui captive vos yeux et vos coeurs. Pas étonnant donc que François de Bernard lui ait prêté voix en lui confiant la narration de cet Objet Littéraire Non Identifié. Et force m'est de reconnaître qu'il s'en sort très bien. le style est à l'égal de l'oeuvre : détonante et jubilatoire. On pourrait même dire solaire avec cette fougue et cette faconde qui fleure bon l'Italie napolitaine qui était alors espagnole… Mais pas question de s'emmêler les pinceaux (si j'ose dire…), l'auteur nous guidant de main de maître dans ce récit à la palette haute en couleur. Un ouvrage à conseiller à tous les amoureux de peinture pour sa rafraichissante originalité. le soleil napolitain fait assurément du bien dans les frimas hivernaux…

N'ayant pas lu le précédent roman de François de Bernard, cette œuvre qui n'est pas forcément une suite a une particularité dans le choix du narrateur. Cette particularité est vraiment la seule chose qui m'a gêné et qui par moments me faisait sortir de ma lecture. Ce détail mis à part, ce texte est savoureux quand on aime les fictions historiques. On est en plein XVII è siècle à Naples, sous domination Espagnole. Cette ville, 1er personnage essentiel, a son identité la différenciant de Rome ou Vénise. Elle subit l'Inquisition, le réveil du Vésuve et la peste bubonique. Elle se relève en comptant sur la solidarité après avoir perdu tant de sa population. Naviguant dans le milieu artistique pictural, on suit surtout Artemisia Gentileschi, vraie génie reconnue par ses pairs et "le marché" aristocratique. Son histoire réelle est fascinante et on est frustré ce qu'elle a dû subir. Son courage, sa bravoure et son abnégation forcent l'admiration. Une belle découverte.