Pourquoi la démocratie a besoin de la religion : Le livre de Hartmut Rosa

Hartmut Rosa est un sociologue allemand qui s’est fait connaitre par le développement d’une sociologie de la relation au monde, qu’il a défini dans son livre « Résonance » ( voir chronique ) . Pour lui , la résonance c’est « une forme de relation au monde associant affection et émotion, intérêt propre et sentiment d'efficacité personnelle, dans laquelle le sujet et le monde se touchent et se transforment mutuellement ». Pour développer cette résonance, il faut sortir de notre « rapport instrumental au monde né à l’aube de la modernité capitaliste », autrement dit « Rendre le monde indisponible », titre d’un autre de ses ouvrages ( voir chronique ) . Le présent ouvrage est le texte adapté d’une conférence donnée à la rencontre diocésaine de Wurzburg en 2022. L’auteur y reprend les thèmes de la résonance et de la sortie de notre rapport instrumental au monde. Comme le résume Charles Taylor dans la préface, le message du livre est que « le seul antidote à l’enfermement intérieur, à la manie du contrôle et de la consommation, à la ravageuse obsession du toujours plus, est l’ouverture à l’interpellation, dans l’expérience de la résonance » ; Et c’est là qu’interviennent Eglise et religions (principalement chrétiennes dans le discours de l’auteur) . L’Eglise est aujourd’hui considérée par certains comme « un anachronisme qui n’a sa place ni dans le réservoir idéologique ni dans la conception qu’une société moderne a d’elle-même ». Et pourtant nous dit Hartmut Rosa, « notre société est traversée par une crise grave dont l’issue peut être en partie trouvée dans des institutions, des traditions, des pratiques, des fondements de la pensés, des convictions et des rites religieux ». Car la religion offre une promesse de résonance : « la pensée religieuse dans son ensemble, toute la tradition, les meilleures interprétations religieuses sont fondées sur l’idée et la mise en présence de relations de résonance » Un petit ouvrage facile à lire qui permet de se familiariser avec la pensée d’Hartmut Rosa et de découvrir le lien entre la résonance et « le type de relation au monde qui nait à travers ou dans la pratique religieuse ».

Essai très court, manifestement un discours prononcé en introduction d'un débat. Le propos en est très clair et très facile à lire. Le diagnostic posé sur l'état de notre société paraît assez juste, mais demanderait à être développé (l'auteur renvoie à ce sujet à ses autres travaux). Son idée maîtresse, la Résonnance, c'est à dire la capacité d'ouverture à des idées ou des concepts étrangers susceptibles de nous transformer, et par suite, de transformer le monde, voire plus modestement, sauver nos démocraties pourrissantes, ne manque pas d'intérêt. Que l'église puisse être l'espace où cette résonnance peut être trouvée apparaît plus discutable, si l'on considère ses tendances conservatrices et son manque de volonté réformatrice. Cependant, l'argument soulevé de la pensée religieuse dans son rapport au temps fait sens. On quitte cette lecture avec des pistes de réflexion, mais une certaine frustration à ne pas les voir creusées plus profondément dans l'ouvrage.